Haïti : à Arniquet, le maire titulaire vit aux États-Unis depuis cinq ans et la commune sombre dans la paralysie
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Arniquet, Sud d’Haïti – Dans cette commune agricole et touristique du département du Sud, l’administration municipale est quasiment à l’arrêt. En cause : l’absence prolongée du maire titulaire. Élu en 2015, reconduit comme agent exécutif intérimaire, Yves Marie Maurice Château ne vit plus en Haïti depuis 2020. Installé à Miami, en Floride, où il travaille comme agent de sécurité, il continue néanmoins de percevoir son salaire de magistrat municipal à travers les ministères de l’Économie et de l’Intérieur.
Cette situation, qui dure depuis plus de cinq ans, interroge la responsabilité des institutions chargées du contrôle administratif, notamment la Cour Supérieure des Comptes et l’Unité de Lutte contre la Corruption.
Sur place, l’absence du maire a plongé Arniquet dans une crise de gouvernance. Le délégué de ville, Evens Jeanty, affirme que le maire « a abandonné la commune ». Dans les rues, le sentiment est le même : beaucoup dénoncent une mairie devenue invisible.
Les deux maires assesseurs, Joseph Ludger François et Marie Bernadette Genois, sont considérés comme dépourvus de marge de manœuvre. Résultat : aucune gestion des infrastructures, peu d’interventions d’urgence et des services publics en panne.
Lorsque l’ouragan Melissa a frappé récemment, la commune s’est retrouvée coupée du reste de la région. L’effondrement de « La Ravine à l’Eau » a isolé plusieurs sections communales. Aucune intervention municipale n’a été observée. Ce sont des bénévoles, notamment des jeunes et des chauffeurs de taxi-moto, qui ont dégagé la route avec leurs propres moyens.
« Pendant ce temps, le maire travaille tranquillement aux États-Unis », déplore Jean Maxo Civil, habitant de la commune.
La défaillance ne se limite pas à la mairie. Selon le citoyen Ludger Ligondé, les juges de paix ne résident plus à Arniquet mais aux Cayes. Une situation qui, selon lui, « laisse la commune livrée à elle-même » et favorise l’impunité.
La loi haïtienne impose pourtant des obligations précises : résidence obligatoire des élus locaux, reddition des comptes, supervision du ministère de l’Intérieur, contrôle de la CSCCA et de l’ULCC. Aucun de ces mécanismes n’a été appliqué à Arniquet.
Face à la paralysie, les habitants réclament une intervention du pouvoir central. Ils demandent une enquête administrative, la suspension ou la révocation du maire, ainsi que la nomination d’une commission municipale provisoire capable de rétablir les services essentiels.
À Arniquet, l’État n’a pas disparu. Il s’est absenté. Reste à savoir combien de temps la commune pourra encore fonctionner