PÉRIL EN LA DEMEURE
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Nous vivotons depuis plus d’une décennie dans un marasme sociétal jusqu’à ce nihilisme inédit. Les masses urbaines et rurales appauvries, les classes intermédiaires décapitalisées sont réduites à un absentéisme de la conscience humaine. La société est sombrée dans une indolence crasse. Seule une poignée de paladins résistent.
La loi et l’intelligence sont mises en déroute par une coterie qui a kidnappé les pouvoirs d’État. Haïti est devenue un territoire abiotique où mourir et partir sont des choix d’espérance et de survie.
Je suis même tenté de dire que la « République est morte ».
Neuf conseillers présidentiels gèrent le pays au jour le jour, au gré des intérêts particuliers à coup de raccourcis juridiques et intellectuels. Ils ont même osé amender une loi par un décret scélérat. Ils préparent aussi un hold-up référendaire pour faire adopter une nouvelle constitution.
Et le président du Conseil Électoral, organisant ce forfait, est ironiquement le représentant de l’Eglise Catholique qui pourtant a vigoureusement dénoncé cette tentative de sacrilège par la voix éclairée de ses Évêques. C’est un scandale de plus à coté des boucans soulevés par les crimes financiers et de lèse-patrie dont sont ouvertement accusés certains grands commis de l’état et leurs suppôts.
Et voici qu’en cette fin du mois d’août, Haïti revient sur le placet dans les assises internationales. Les grandes chancelleries ont enfin compris que la crise haïtienne mettait en péril la stabilité de la sous-région des Caraïbes et des Amériques.
Elles ont peut-être reconnu qu’il y a une responsabilité partagée dans la dégradation accélérée de la situation globale du pays. Car, des cartels internationaux du crime organisé, des fondamentalistes étrangers anti-occidentaux liés à des groupes locaux, semblent être très actifs sur le terrain.
J’ai longtemps défendu l’idée d’une coopération multilatérale agissante en matière de sécurité et de renseignements, mais les gouvernements qui se sont succédés n’ont jamais pu gagner la confiance des partenaires internationaux pour initier de telles négociations. Avec les maigres moyens dont disposent nos troupes légales, il était prévisible de l’échec essuyé face aux gangs même avec l’appui limité des forces de la police kényane.
Une fois de plus, (je souhaite que ce se soit la dernière) Haïti est placée sous l’empire du Chapitre VII des Nations Unies. La proposition des États-Unis et du Panama relative à une implication directe d’une force spéciale dans la suppression des gangs terroristes est un changement de comportement majeur dans le dossier haïtien.
Notre diplomatie devrait être active dans la mise en place de ce chantier. Il ne suffira pas d’envoyer des troupes sur notre sol; notre cas nécessite l’adoption d’un plan global avec la restructuration de nos forces de défense, l’érection d’infrastructures militaires et policières, la formation continue et l’encadrement adéquat pour monter une vraie agence nationale de renseignements et d’intelligence. L’appel de la Russie aux bailleurs internationaux pour le respect de leurs engagements financiers vis-à-vis d’Haïti est à souligner.
Dans un autre registre, le Secrétaire Général de l’OEA a présenté à l’Assemblée un projet intitulé « Vers une feuille de route dirigée par Haïti pour la Stabilité et la Paix, avec un soutien régional et international. » (Sic)
Cette proposition d’une enveloppe totale d’environ 2.600 milliards de dollars, s’appuie sur cinq piliers : stabilité de la sécurité (1.336 milliards), consensus politique (5.1 millions), légitimité électorale (104.1 millions), réponse humanitaire (908.2 millions) et développement durable (256.1 millions).
Admettons que les fonds soient disponibles et que les Agences internationales soient dans les meilleures dispositions possibles, cette ambitieuse opération sera vouée à l’échec sans une Nouvelle Gouvernance Intérimaire. Le peuple n’a aucune confiance dans les structures de pouvoir existantes. Il faudra un Exécutif compétent non partisan avec une mission minimale: rétablir la sécurité et l’ordre, entamer les grandes réformes de l’État et favoriser un climat pour la tenue d’élections libres tout en aidant les couches défavorisées et en intensifiant la lutte contre la corruption, l’impunité et l’exclusion sociale.
Une nouvelle année fiscale commence en octobre. Freinons l’hémorragie causée par la terreur des gangs et par l’irresponsabilité d’un CPT glouton flanqué de son gouvernement stérile.
C’est fini le temps de la déploration, du pseudo nationalisme fanfaron et du discours populiste des entrepreneurs politiques. C’est maintenant l’heure de l’engagement patriotique avec un pragmatisme éclairé et l’intelligence des conjonctures. Je le répète encore : nous devons saisir l’opportunité du malheur pour vaincre l’impossible.
Refonder l’État pour le réconcilier avec le citoyen est une tâche exaltante à laquelle je vous convie.
Il ne nous reste qu’à construire ce socle commun pour nous mettre au service de la PATRIE EN PÉRIL.
Ensemble, Maintenant !
30 août 2025
Dr.Emmanuel Ménard
Président de la FLR