Six mois après l’assassinat des six policiers à Liancourt : l’enquête doit aboutir – Appel du Directeur exécutif du CARDH, Gédéon Jean
4 min readPort-au-Prince, le 25 juillet 2023 – Alors que nous commémorons les six mois écoulés depuis le meurtre brutal de six policiers par le gang de Savien à Liancourt, le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) exhorte les autorités haïtiennes à faire avancer l’enquête et à traduire les coupables en justice. Dans une correspondance adressée au Directeur général de la Police nationale d’Haïti (PNH), Monsieur Frantz Elbé, le Directeur exécutif du CARDH, Gédéon Jean, met en lumière l’importance cruciale de résoudre cette affaire pour empêcher d’autres tragédies de se produire.
Le 25 janvier 2023, les noms de Donaldson Innocent, Norabert Aurelus, Kether Louis, Mackès Badin, James Junior Felix, Camille Pierre et Osny Mesadieu sont devenus synonymes de sacrifice pour la patrie, tombant en héros dans l’exercice de leur devoir. Ce drame, survenu peu après le terrible massacre de cinq policiers à Village-de-Dieu par le gang 5 secondes, a provoqué un véritable séisme émotionnel au sein de la population haïtienne et de l’institution policière, nécessitant des changements au sein de sa chaîne de commandement.
Le CARDH souligne que cette tragédie a conduit à des manifestations spontanées des policiers eux-mêmes, réclamant des sanctions contre les responsables de cet acte odieux. Les policiers des Gonaïves et de Saint-Marc ont exprimé leur colère, cherchant justice pour leurs collègues tombés en service, et ont lancé l’opération « bras croisés » en signe de protestation.
Dans un rapport émis par le service de renseignements de la direction départementale de l’Artibonite, le commissaire principal Jean Bruce MYRTIL pointe du doigt trois hauts gradés de la police, deux inspecteurs généraux et un commissaire divisionnaire, accusés d’avoir planifié ce drame pour semer le chaos dans la région. Le CARDH, bien qu’admettant les limites du rapport, insiste sur l’existence de luttes internes au sein de la hiérarchie de la police, des tensions qui ont des conséquences tragiques pour les policiers et la population.
Le CARDH ne peut s’empêcher de rappeler un événement similaire survenu en mars 2021 à Village-de-Dieu, où cinq policiers des unités d’élite ont été sauvagement assassinés et exposés sur les réseaux sociaux. À l’époque, le Premier ministre Joseph Jouthe avait reconnu des erreurs et des dysfonctionnements lors de cette opération, suscitant l’espoir de sanctions et de réformes institutionnelles. Cependant, seul l’inspecteur général Carl-Henry Boucher avait été brièvement mis en isolement après son audition, tandis que la mémoire des victimes semblait être oubliée.
Le rapport de la direction départementale de l’Artibonite suscite des interrogations quant à sa véracité. Néanmoins, le CARDH souligne que tant qu’un autre rapport contradictoire ne sera pas produit, celui-ci demeure une pièce clé du dossier. Il met en évidence les problèmes réels qui gangrènent la hiérarchie policière, problèmes que le CARDH et d’autres institutions ont dénoncés à maintes reprises : certaines unités agissent comme une police dans la police, certains hauts gradés entretiennent des liens douteux avec des politiciens et des individus de divers secteurs, et les ordres des directeurs généraux sont parfois ignorés.
Il est crucial de rétablir la vérité concernant cette affaire, de rendre justice aux victimes et à leurs familles, et de restaurer la dignité et les droits de l’institution policière. Pour y parvenir, le CARDH propose une série de mesures, notamment que l’enquête de l’Inspection générale aboutisse et que ses conclusions soient suivies par le Directeur général de la police et la Ministre de la Justice et de la sécurité publique.
La correspondance du CARDH souligne également l’importance du rôle du Conseil supérieur de la police nationale (CSPN) dans l’application des recommandations émises dans le rapport. De même, les syndicats de police sont invités à soutenir l’enquête et à veiller au respect des droits de leurs membres. La société civile est appelée à se mobiliser pour garantir une véritable institution de sécurité en Haïti, tandis que la coopération internationale est encouragée à demander des comptes aux autorités policières et judiciaires concernant les tragédies de Liancourt et de Village-de-Dieu.
En cette journée de commémoration, le CARDH et la population haïtienne attendent une réponse claire des autorités et l’engagement ferme de mener à bien cette enquête. Le sacrifice des policiers tombés au service de la nation ne doit pas rester vain, et la sécurité de la population exige que la vérité soit révélée et que les coupables soient traduits en justice.
Signé : Gédéon Jean, Av. Directeur exécutif du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH)
Copie à :
- Monsieur Ariel Henry, Premier ministre de la République d’Haïti et chef du CSPN
- Madame Emmelie Prophète Milcé, Ministre a.i. de la Justice et de la sécurité publique
- Monsieur Fritz Saint Fort, Inspecteur général en Chef de la police nationale