Le Vatican autorise la bénédiction des couples homosexuels sous certaines conditions rigoureuses.-
4 min readC’est une première dans l’Église. Lundi 18 décembre, le dicastère pour la doctrine de la foi a donné son feu vert pour la bénédiction des couples de même sexe et pour ceux divorcés, dans un document validé par le pape François. Une première, qui reste à nuancer, puisque les bénédictions ne se feront que hors-liturgie, et avec une série de conditions.
@Image par Alessandro Alle de Pixabay
Début octobre, le pape François avait jugé que les couples de même sexe pouvaient être bénis, c’est désormais écrit noir sur blanc. Dans un document officiel de dix pages, publié ce lundi par le Dicastère pour la doctrine de la foi et validé par le Saint-Père, le Vatican a autorisé la bénédiction des couples de même sexe et « en situation irrégulière », autrement dit divorcés.
Si ce sujet n’est pas nouveau au sein du Vatican, le texte lui est totalement inédit. Pour preuve, cela faisait 23 ans que l’ancien Saint-Office (devenu Dicastère de la foi en 1908) n’avait plus publié de déclaration. Désormais, la congrégation de la Curie romaine « donne presque un mode d’emploi sur ce qui est possible et sur ce qui ne l’est pas, sur la manière de célébrer et même de s’habiller », explique Loup Besmond de Senneville.
Des bénédictions hors-liturgie et très encadrées
Un pas inédit vers la communauté homosexuelle, qu’il faut nuancer. En effet, ces bénédictions ne seront « jamais accomplies en même temps que les rites civils d’union, ni même en relation avec eux » afin de « ne pas créer de confusion avec la bénédiction propre au mariage », précise le document. Car malgré sa position progressiste, le pape et l’Église restent fermement opposés au mariage homosexuel.
Parmi les préconisations du Dicastère pour éviter toute confusion : le fait que les bénédictions prendront uniquement la forme de « prières spontanées » et non de textes préparés à l’avance ou qui font partie d’un rituel. Aussi pour ne pas ressembler à un mariage, ces bénédictions ne pourront pas être faites au cours d’une messe, ni si les personnes sont habillées comme pour un mariage et ni si un mariage civil a eu lieu récemment.
Des précautions qui placent une fois de plus l’Église catholique sur une « ligne de crête », selon Loup Besmond de Senneville : « c’est une façon pour Elle de dire à la fois, qu’Elle ouvre la possibilité de ces bénédictions et en même temps qu’Elle préserve la définition du mariage comme étant toujours un sacrement entre un homme et une femme ».
Une avancée saluée par les associations…
Avec cette annonce, le dicastère suit un mouvement déjà entamé en Allemagne, où certains prêtres procèdent déjà à la bénédiction de couples homosexuels. En mars 2023, les catholiques allemands réclamaient déjà « une bénédiction pour tous » au Vatican. En France, des bénédictions non officielles avaient également lieu de manière cachée et sous condition de connaître un prêtre acceptant de le faire.
Cette ouverture à la bénédiction des couples homosexuels est donc « un grand pas », salué par les associations. « Nous en tant qu’association, évidement qu’on souhaiterait un mariage à égalité entre les couples hétérosexuels et homosexuels », admet Cyrille de Compiègne, porte-parole de David et Jonathan, une association LGBTI+ chrétienne. Et d’ajouter : « mais étant donné le positionnement de l’Église catholique en ce moment, on se réjouit d’abord de ce pas très fort qui a été franchi ».
Cette élargissement de la bénédiction est pour lui « un geste symbolique fort, qui donne un visage plus humain à l’église catholique » et qui envoie un message à toutes les personnes homosexuelles dans l’Église. Peut-être, pense-t-il, que cela permettra à ces personnes « d’assumer davantage et d’oser se présenter en tant que couple dans leur paroisse ».
Mais encore du travail à faire…
Jean-Michel Dunand, fondateur de la Communion Béthanie, une communauté au service des personnes homosensibles, n’est pas le seul à exprimer sa « gratitude » envers le Vatican. « C’est un cadeau de Noël avant l’heure », sourit-il. Mais ce militant n’en oublie pas moins tout le travail qu’il reste à faire : « c’est un immense chantier tout d’abord exégétique, il faut qu’on approfondisse l’exégèse (l’interprétation philologique et doctrinale d’un texte, NDLR) des versets bibliques qui fâchent ».
Plus que d’obtenir une bénédiction, c’est de « cohérence » entre l’aspect pastoral et doctrinal dont les homosexuels ont besoin, selon lui. « Il s’agit d’approfondir la doctrine pour enfin sortir de cette impasse mortifère, parce qu’on ne peut pas garder les formules du catéchisme catholique comme « intrinsèquement désordonné » ou « pêché mortel »… donc il faut à tout prix que l’on redonne à la doctrine des mots enracinés dans la tradition de l’Église qui est qui est d’abord une tradition inclusive », affirme-t-il.